Rendez-vous avec Benoît Duvette pour un entretien sur son travail artistique et son parcours dans la nouvelle émission « Culture en Hauts » réalisée par Les Faquins.

Transcription de l’interview

 

Bienvenue dans « Culture en Hauts », votre émission sur les artistes émergents dans les Hauts-de-France. Aujourd’hui, nous sommes dans les locaux de la Plaine Images à Tourcoing et nous sommes en compagnie de Benoît Duvette.

Tu es réalisateur, entre autres, artiste multifacette !

« Je me définis comme un artiste pluridisciplinaire. Effectivement, je réalise des courts-métrages – j’en ai réalisé deux – je suis aussi artiste metteur en scène, de performances et de spectacle-vivant. Ma première formation étant la musique, je fais aussi énormément de musique. Je dis « pluridisciplinaire » parce que systématiquement dans mes projets, on retrouve de l’image, du son et j’essaie toujours de les associer. 

On vient de voir des extraits de ton dernier court-métrage est-ce que tu peux nous en parler un peu plus ?

Mon dernier court-métrage Ruines, c’est un court-métrage qui se passe en forêt. C’est mon deuxième film, soutenu par le fonds Émergence de Pictanovo. Il a été tourné en région, en forêt domaniale de Raismes-Saint-Amand-Wallers. C’est un lieu magnifique, j’ai adoré ce lieu pour tourner. C’est une des rares forêts en France dans laquelle il y a des pins et j’avais vraiment envie de trouver des pins pour le décor, et au pied des pins, il y avait de très grandes fougères qui servent de décor principal pour le film. C’est donc l’histoire de deux garçons qui sont en fuite dans la forêt, on ne sait pas trop ce qu’ils font là mais au fur et à mesure du film on va découvrir qu’il y a une relation entre eux et que c’est un petit peu compliqué. 

Quel a été ton parcours pour en arriver là aujourd’hui dans tout ce que tu fais ?

Mon parcours est assez atypique je pense. J’ai toujours eu dans ma vie comme passions deux choses : le son et l’image. Quand j’étais enfant, j’avais un petit dictaphone et j’ai enregistré toujours plein de choses, j’inventais des histoires que j’enregistrais et puis j’avais aussi un Polaroïd, je photographiais un tas d’objets, de situations.

Plus tard, mes études, je les ai orientées vers la musique. Je suis allé jusqu’à faire un master en musicologie (en arts contemporains avec une spécialité musique) et je suis retourné vers l’image d’une façon un peu fortuite, au gré des rencontres… Par le biais de certaines rencontres, on m’a amené vers le cinéma et je me suis rendu compte que j’avais dû laisser peut-être un petit peu trop longtemps l’image derrière moi. Au sortir de mes études, j’ai commencé à réintégrer l’image dans mes projets. 

J’ai appris le cinéma de façon autodidacte, et cela s’est concrétisé en 2014 avec mon premier court-métrage Le Corps des Anges. Pendant ce premier projet, je me suis rendu compte que je portais un grand intérêt pour la mise en scène. Au-delà de l’image et du son, il y avait vraiment la question de la mise en scène. J’ai donc poursuivi, et sollicité la DRAC pour bénéficier des accompagnements « Pas-à-pas » et « Pas-de-côté » que l’on a ici en région. Pendant deux saisons, j’ai été accompagné par une structure pour pouvoir rechercher et améliorer mon style de mise en scène.

C’est comme cela que j’en suis arrivé à faire de la performance, du spectacle vivant. Aujourd’hui, j’arrive à dire que mon travail est fondé sur l’image : l’image visuelle, l’image sonore mais aussi sur l’image symbolique. Je le définis comme étant pictural.

Photogramme du court-métrage Le Corps des Anges

Tu parles du soin apporté à l’image, est-ce que tu peux nous parler un peu plus de ta relation avec les membres de tes équipes de tournage, ton chef opérateur ?

J’ai eu deux chefs-opérateurs, qui n’ont pas été les mêmes puisque malheureusement la cheffe opératrice (Manon Bluet) du Corps des Anges nous a quitté… C’est vrai que ça a été très important dans ma vie créative. Pour Le Corps des Anges, qui est l’adaptation d’un livre de Mathieu Riboulet, ce premier projet qui pour moi lance mon travail artistique, j’ai perdu cette cheffe opératrice et cet auteur. Je me suis retrouvé un peu orphelin à devoir continuer mon parcours…

Mathieu Riboulet, c’est un auteur qui est ma source d’inspiration principale, j’ai lu tous ses livres quand j’étais jeune adulte, dès 18 ans, pendant mes études à l’université. C’est vraiment ma première source d’inspiration. 

Après ce film, j’ai perdu ces deux personnes, il fallait continuer et avancer.

Sur le tournage du court-métrage Le Corps des Anges

Ce sont des expériences comme celles-ci qui nous font nous rendre compte que le travail artistique est réussi parce qu’on travaille en équipe, parce qu’on prend soin des autres, et qu’on avance avec les autres. C’est au centre de ma philosophie de dire : oui je suis le réalisateur, le metteur en scène, c’est moi qui dirige mais attention on fait un travail tous ensemble. C’est très important, et je pense que si tout le monde s’applique, à un moment donné, ça se ressent sur le travail qu’on est en train de faire.

Hugo Marchand, Camille Graule, Benoît Duvette, Manon Bluet, Colembert
Sur le tournage du court-métrage Le Corps des Anges

Tu réalises un travail pictural mais surtout qui a à voir avec les thématiques du corps et de l’identité. Est-ce que tu peux nous dire pourquoi tu t’interroges en particulier sur ces thématiques ? 

Oui, comme je disais, l’œuvre de Mathieu Riboulet m’a beaucoup inspiré. Ce sont des livres qui abordent la question du corps, qui la placent toujours au centre. Je pense que cela a fortement influencé mon travail en devenir, quand je me suis imprégné de toute cette lecture. Après bien-sûr, j’ai fait le choix de cette lecture, elle m’a intéressée. J’ai eu l’impression de créer un dialogue avec ce travail. Cela rejoint des thématiques plus générales qui sont l’espace et le temps. J’ai toujours été fasciné par ces questions. Aujourd’hui, j’interroge le corps comme étant l’objet avec lequel on va traverser l’espace et on va traverser le temps. Notre corps, il va nous porter, nous emmener. Il va aussi se mettre à se dégrader, à nous lâcher progressivement.. On vit avec notre corps ! Cela signifie que notre corps façonne notre identité.

Il y a aussi autre chose qui est le corps des autres, qu’on ne cesse de voir, d’avoir autour de soi. Et cela m’a toujours posé question. J’intègre ces questions dans mon travail. Je ne sais pas si je cherche des réponses ou plutôt si je cherche à poser d’autres questions. À l’heure actuelle, c’est omniprésent dans ce que je réalise.

Gabriel Garnier dans Le Corps des Anges

Je pense déjà avoir la réponse à ma question je te la pose quand même. On sait que tu réalises des courts-métrages, que tu fais de la musique, que tu fais des performances, des photographies. Est-ce qu’il y a un art que tu préfères ? Ou tout est complémentaire.

Oui, tout est complémentaire, parce qu’on a tendance à séparer les médiums : la musique d’un côté, l’image de l’autre. Mais tout est complémentaire et tout peut s’assembler. Je cherche toujours à rassembler l’ensemble des éléments. On a plusieurs sens ! J’aime bien quand tous les sens peuvent être satisfaits. L’essence de mon travail, aujourd’hui, quand je commence à créer une œuvre, ce que je cherche c’est : hypnotiser le public. C’est mon objectif. Quand, par exemple, le visuel s’appauvrit, le sonore peut venir redonner une nouvelle énergie. Quand le sonore s’affaiblit, on peut avoir l’image qui vient nous surprendre, nous emmener quelque part. Et je pense que le dialogue entre les disciplines est vraiment important. Aujourd’hui, nous avons la possibilité de mélanger toutes les disciplines, les mixer, les assembler. Personnellement, je ne vois pas pourquoi je me priverai de toutes les utiliser et les explorer pour arriver à une finalité.

On a une petite question que l’on aime bien poser dans « Culture en Hauts » c’est quels sont les lieux culturels que tu aimes fréquenter dans les Hauts-de-France ?

J’habite à Lille depuis maintenant plus de 10 ans donc je vais vous parler de Lille et il y a un lieu que j’affectionne tout particulièrement, c’est un lieu fétiche, c’est le musée d’Histoire Naturelle de Lille. Je suis très content car on a pu tourner un clip dans ce musée, un clip de mon projet musical Les Fausses Cicatrices, c’est le titre qui porte le même nom que l’album. J’ai beaucoup fréquenté ce lieu, je le trouvais reposant, un peu hors du temps, un vrai voyage. J’étais content de pouvoir concrétiser un projet dans ce lieu. 

Bien-sûr, je fréquente aussi beaucoup les festivals de spectacle vivant, on peut me croiser au festival Latitudes Contemporaines en juin. Si vous y allez, vous risquez de pouvoir me faire un coucou. Et finalement, l’endroit qui se rapproche le plus de mon travail c’est l’Opéra de Lille. Je fréquente ce lieu de façon très assidu. Pour moi un opéra c’est vraiment comme un film en plusieurs plans-séquences et ça correspond à l’esthétique, à ce que je cherche à faire en termes de rythme, de temporalité.

Quels sont tes projets pour 2020 ?

2020 est une année importante. C’est une année pendant laquelle je vais lancer beaucoup de projets. Certains vont se concrétiser. C’est surtout une année pendant laquelle je vais écrire de nouvelles idées. Je vais lancer beaucoup de projets.

Je suis très content car ce mois-ci, en février il y a une réédition du livre Le Corps des Anges par Gallimard en version poche (Folio) et il est réédité avec une image issue de mon film, je suis vraiment très content de cette nouvelle. Et je vous invite vraiment à vous plonger dans cette lecture, a profité de cette réédition !

Le Corps des Anges réédité avec une image du court-métrage réalisé par Benoît Duvette

Ensuite, il y aura un projet de spectacle vivant printemps et l’écriture d’un nouveau scénario que je vais commencer cet été. J’aime beaucoup écrire pendant l’été mes scénarios de courts-métrages. Donc cette année sera une année d’écriture. Rendez-vous dans quelques années pour la concrétisation, parce qu’il faut toujours du temps pour réaliser le film. 

Et aussi en ce moment, je travaille sur un projet de solo qui verra le jour j’espère en 2021 et pour lequel je suis en recherche de partenaires, pour des résidences ou pour accueillir le projet et le présenter aux publics.

Chargé donc !

Merci la Plaine Images qui nous a accueilli, le site d’excellence dédié aux industries créatives et notamment à Aurélie Minguet la responsable de la communication pour leur super accueil !

Réalisation : Les Faquins – 2020